mardi 4 juillet 2017

Un rapprochement public saoudo-israélien pourrait se retourner contre Riyad



Il y a longtemps que l’Arabie saoudite et Israël coopèrent l’un avec l’autre contre leur rival iranien commun, et que leurs liens stratégiques avec les États-Unis sont ce qui les rapproche. Cependant, en raison des sensibilités politiques des deux côtés, aucun des deux n’a formellement reconnu l’existence de cette coordination en coulisses, et encore moins leur pays respectif. Néanmoins, des rapports ont circulé au cours des derniers mois indiquant que Trump et son équipe travaillent fort dans les coulisses pour rassembler publiquement les deux afin de cristalliser plus solidement ce qui s’est avéré être une coalition anti-iranienne très fragile et désunie.
La première étape consiste, selon les sources médiatiques internationales et israéliennes, à encourager doucement l’Arabie saoudite et Israël à négocier des relations économiques entre les deux parties. Cela constituerait une reconnaissance de fait de plusieurs façons et pourrait, comme on s’y attend, faire beaucoup pour une transition plus lisse, l’un de ces jours, vers une reconnaissance formelle. L’Arabie saoudite ne serait pas seule dans cette situation, car elle aurait sans doute le soutien des Émirats arabes unis et de certains de ses autres alliés régionaux, le Qatar étant visiblement absent de cet arrangement à la lumière de la récente guerre froide qui a éclaté entre les deux pays du Golfe.
En outre, un autre élément joue. L’Arabie saoudite pourrait permettre aux pèlerins palestiniens de voler directement à partir de leurs territoires occupés vers le Royaume avec une escale simple et symbolique dans la capitale jordanienne d’Amman. Si cela se produit réellement, cela aurait un symbolisme puissant dans toute la communauté musulmane mondiale en montrant que le gardien des Deux Saintes Mosquées est fondamentalement d’accord avec Israël et son occupation de la Palestine. Alors que Trump pourrait s’associer à cela et que les liens économiques formels supposément proposés entre le Golfe et Israël enverraient un message positif à d’autres pays musulmans pour suivre leurs traces. Il est aussi possible que cela puisse se retourner contre Riyad en générant un énorme mécontentement parmi le public international ciblé, au point qu’aucun autre État ne suivrait ce plan.
Donc, dans l’ensemble, il y a beaucoup de risques liés à ce que Trump essaie de faire. Il parie que le poids lourd sunnite, l’Arabie saoudite, est assez influent pour que d’autres pays musulmans suivent son chemin, mais il se pourrait qu’il n’y ait pas assez d’argent dans les coffres du Royaume pour financer les pots de vin que cela pourrait nécessiter. En outre, même ce mouvement pourrait encore compromettre la crédibilité du pays aux yeux de tous les croyants qui sont conscients de ses crimes régionaux, en avançant essentiellement l’argument répandu dans certains cercles que les Saoudiens sont des « vendus » dans chaque cas, et que leur garde des Deux Saintes Mosquées ne fait pas automatiquement d’eux des modèles moraux dont les politiques doivent être suivies aveuglément.
 Andrew Korybko − Le 21 juin 2017 −
Source Oriental Review
Andrew Korybko



Dans les coulisses du château de cartes saoudien
Au moment même où les spécialistes de la géopolitique parient sur un changement de régime au Qatar, orchestré par une maison des Saoud au désespoir, c’est à Riyad qu’il a eu lieu, orchestré par le prince guerrier, destructeur du Yémen et instaurateur du blocus du Qatar, Mohammed ben Salmane (MBS).
Étant donné l’opacité qui caractérise cette oligarchie familiale du fin fond du désert, qui regorge de pétrodollars et qui se fait passer pour une nation, il ne faut se fier qu’aux rares étrangers ayant eu droit de visite pour se faire une idée du jeu des trônes en cours. Ce qui n’arrange en rien les choses, les « largesses » des lobbys saoudien et émirati à Washington ont également réussi à transformer pratiquement tous les groupes de réflexion et les journalistes en simples lèche-bottes.
Une source importante au Moyen-Orient proche de la maison des Saoud, qui remet donc en cause le consensus à l’intérieur du périphérique à Washington, ne mâche pas ses mots : « La CIA est fort mécontente du limogeage de [l’ancien prince héritier] Mohammed ben Nayef. Mohammed ben Salmane est perçu comme un commanditaire du terrorisme. En avril 2014, les USA comptaient écarter du pouvoir les familles royales des Émirats arabes unis (EAU) et de l’Arabie saoudite au complet en raison du terrorisme. On a trouvé un compromis en vertu duquel Nayef devait prendre les rênes du Royaume pour y mettre fin. »
Avant le coup d’État de Riyad, le topo qui prévalait dans certains cercles géopolitiques du Moyen-Orient était que les services secrets des USA avaient « indirectement » stoppé un autre coup d’État contre le jeune émir du Qatar, cheikh Tamim al-Thani, orchestré par Mohammed ben Zayed, le prince héritier d’Abou Dhabi, avec l’aide de l’armée de mercenaires de Blackwater/Academi d’Eric Prince aux EAU. Il se trouve que Zayed est le mentor de MBS, ce qui n’est pas rien.
Notre source clarifie les choses : « Tout est connecté. Eric Prince est de la CIA, mais il a probablement stoppé toute tentative de coup d’État au Qatar. La CIA a bloqué le coup d’État au Qatar et les Saoudiens ont réagi en se débarrassant de  Mohammed ben Nayef, le choix de la CIA, qui devait devenir le prochain roi. Les Saoudiens ont la trouille. La monarchie est dans le pétrin, car la CIA peut lever une armée en Arabie saoudite contre le roi. C’était une mesure défensive par MBS. »
La source poursuit : « MBS échoue partout : au Yémen, en Syrie, au Qatar, en Irak, etc. La Chine aussi est insatisfaite de MBS qui sème le désordre au Xinjiang. La Russie ne peut non plus se réjouir du fait que MBS était et est derrière la baisse des prix du pétrole. Qui sont ses alliés ? Il n’en a qu’un et c’est son père, qui n’est pas tellement compétent. » Le roi Salmane est pratiquement en état d’incapacité pour cause de démence.
La source est convaincue qu’il « est très possible que la CIA  s’en prenne à la monarchie en Arabie saoudite ». La guerre entre le président Trump et certains secteurs de l’État profond aux USA prendrait alors une toute autre dimension.
Pour compliquer encore les choses, il faut tenir compte aussi du facteur Jared d’Arabie. Il serait étonnant qu’un des principaux acteurs de cette saga confirme quoi que ce soit à propos d’un coup d’État (avorté) au Qatar. Mais si une tentative de renversement a vraiment eu lieu, et qu’elle a été matée, Jared Kushner pourrait avoir obtenu des renseignements privilégiés, étant donné ses connexions.
Selon la source, « Jared Kushner est pratiquement en faillite au 666 de la 5e Avenue et il compte sur une aide financière saoudienne. Il fait donc tout ce que les Saoudiens lui demandent. Les difficultés financières du 666 de la 5e Avenue sont tellement énormes, que même son beau-père ne peut le cautionner. »

Opération arrogance du désert

Cette suite des événements alambiquée corrobore la fameuse note de service du BND (le Service fédéral de renseignement allemand) daté de décembre 2015, selon laquelle la maison des Saoud avait adopté « une politique impulsive d’intervention », qualifiant son ministre de la Défense et vice-prince héritier d’alors, MBS, de « joueur politique » cherchant la déstabilisation.
La note de service du BND décrivait comment la maison des Saoud a financé la création en Syrie de l’Armée de la Conquête, qui n’était en fait qu’une simple restructuration du front al-Nosra, alias al-Qaïda en Syrie, et de Ahrar al-Sham, son comparse idéologique. Autrement dit, la maison des Saoud aide, encourage et arme le terrorisme salafo-djihadiste. Voilà maintenant que ce régime accuse le Qatar de faire la même chose (Doha appuyait d’autres groupes).
Au Yémen, le BND s’inquiétait que la guerre menée par MBS contre les Houthis et l’armée yéménite ne profite qu’à al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). La guerre de MBS, menée avec des armes étasuniennes et britanniques, a causé une catastrophe humanitaire horrible.
Comment se fait-il qu’un être aussi arrogant, négligent, présomptueux et ignorant que MBS est presque parvenu à mettre le feu à l’ensemble de l’Asie du Sud-Ouest ? Des vagues de désespoir déferlent parmi les investisseurs occidentaux aussi, qui craignent que les actes d’un élément imprévisible comme MBS n’occasionnent une désintégration généralisée des fonds de retraite personnels.
Une mise en contexte essentielle s’impose. Ce à quoi nous avons droit aujourd’hui, c’est au troisième royaume saoudien, fondé par Ibn Saoud en 1902, et qui maintient la même alliance nocive qu’avant avec les religieux wahhabites troglodytes. Au départ, Ibn Saoud ne régnait que sur le Najd. En 1913, il a annexé l’est de l’Arabie chiite (où se trouve le pétrole), puis le Hejaz, sur la côte de la mer Rouge jusqu’en 1926. Le Royaume d’Arabie saoudite « unifié » n’a été proclamé qu’en 1932.
Ibn Saoud est mort en 1953. La plus influente des femmes de son harem était sans contredit Hassa al-Sudairi. Ils ont eu sept garçons ensemble. Le roi Salmane (dément), Nayef et MBS sont tous des Sudairi. MBS est le premier des petits-fils d’Ibn Saoud à être sur le point de monter sur le trône.
Un certain nombre de princes sont plus compétents que MBS. Nayef, qui a longuement travaillé au sein du ministère de l’Intérieur, était le tsar du contre-terrorisme (ce qui en a fait le chouchou de la CIA). Il y a aussi Mitab ben Abdullah, le ministre de la Garde nationale d’Arabie saoudite ; le prince Turki, ancien chef des services du renseignement, ambassadeur aux USA et grand copain d’Oussama ben Laden ; et Khaled ben Fayçal, gouverneur de La Mecque et ancien ministre de l’Éducation.
MBS mise tout sur son projet Vision 2030 qui, en théorie, pourrait propulser l’économie saoudienne en dehors des champs de pétrole, mais qui nécessiterait un renouvellement politique quasiment irréalisable. C’est qu’aucune réforme n’est possible dans le château de cartes de la maison des Saoud. On n’a qu’à penser à cette liste de 13 demandes ridicules imposées au Qatar (l’œuvre de MBS), qui comprend l’excommunication virtuelle de l’Iran et la fermeture d’al-Jazeera.
Pas étonnant que tous les grands joueurs géopolitiques projettent des scénarios de guerre (même si seulement l’Allemagne a fait connaître ses préoccupations). Le Qatar a le statut d’observateur à L’OTAN. Doha est résolu. Il ne pliera pas devant les demandes absurdes de l’Arabie saoudite. Que va-t-il se passer ensuite ? Est-ce que MBS, le dirigeant le plus dangereux de la scène géopolitique d’aujourd’hui, va perdre la face ou se lancer dans une autre guerre démentielle, impossible à gagner et qui, cette fois, ne manquera pas de causer des convulsions à l’échelle planétaire ?

 le Saker Francophone
  Pepe Escobar − 24 juin 2017 − Source Sputnik


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